Les_Justes_de_France_au_Panthéon

REMISE DE LA MEDAILLE DES JUSTES A TITRE POSTHUME AUX EPOUX GIRIBONE, 5 AVRIL 2012, INTERVENTION DE LADISLAS POLSKI

Monsieur le Consul Général,
Monsieur le Député-maire,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Président du comité Yad Vashem,
Mesdames et messieurs les élus, mesdames et messieurs,
C’est un grand honneur pour moi de représenter aujourd’hui le Président de Région Michel VAUZELLE pour cette remise de la médaille de Juste parmi les Nations à titre posthume à Monsieur et Madame GIRIBONE, cérémonie à laquelle je participe pour la première fois.
Cette cérémonie concerne d’abord, bien sûr l’Etat d’Israël et le Comité français pour Yad Vashem.
Mais elle concerne aussi la République : la loi du 10 juillet 2000 a d’ailleurs instauré une journée nationale d’hommage aux « Justes de France ». Tous les 16 juillet, date anniversaire de la rafle du Vélodrome d’Hiver à Paris, les Justes sont honorés par notre République.
Dans son discours prononcé lors des commémorations de la Rafle du Vel’d’Hiv’ le 16 juillet 1995, le Président Chirac évoquait la faute irréparable commise contre les Juifs de France, aux sombres heures de l’Occupation lors desquelles la République était écrasée sous les bottes.
Or l’histoire des Juifs de France avec la République remonte aux sources même de la République.
Et d’abord à la Révolution française qui émancipa les Juifs de France et fit d’eux, pour la première fois dans l’histoire moderne, des citoyens.
C’est ce qui valut que pendant tout le XIXème siècle, dans tous les Shtetl, ces bourgades juives d’Europe centrale et orientale, on regardait la France comme une « terre promise », et qu’il y circulait l’adage: « heureux comme Dieu en France ».
Il y eut ensuite le Décret Crémieux qui accorda en 1870 la citoyenneté française aux 35 000 Juifs d’Algérie.
Mais il y eut aussi des pages sombres, et d’abord celle de l’affaire Dreyfus, qui divisa notre pays. Théodor Herzl, père fondateur du projet national juif, assistant comme journaliste à la dégradation du capitaine Dreyfus, écrivit que si même en France, pays de l’émancipation, on pouvait faire un tel sort à un capitaine d’origine juive, c’est qu’il fallait créer un « abri permanent pour le peuple juif « .
Cependant l’affaire Dreyfus, ce sont aussi des pages glorieuses, celles écrites par Émile Zola avec son célèbre « J’Accuse…! » ou par Georges Clémenceau. C’est un peu des Justes que l’on retrouve chez ces grandes figures de l’histoire de la République.
Quelques années plus tard, les terribles années de l’occupation et de la collaboration verront s’accomplir l’horreur absolue de la traque et de la déportation des Juifs.
Notre territoire des Alpes-Maritimes a payé un lourd tribut à cette période, lui qui fut d’abord, sous l’occupation italienne, un refuge précaire pour les Juifs qui y affluèrent, avant que ce refuge ne se
transforme en une nasse: les nazis allèrent jusqu’à trouver des chasseurs de faciès qui déambulaient dans les rues de Nice pour traquer des Juifs.
Au milieu de cette pénombre, des individus lumineux ont entretenu la petite flamme de l’Honneur. Des hommes, des femmes, qui sauvèrent des vies au péril de la leur. Quelle que soit l’éducation qu’ils avaient reçue, spirituelle ou laïque, ils portèrent haut la défense des valeurs humanistes qui sont celles de la République et qui nous rassemblent.
Etre Juste parmi les Nations, sauver une vie au péril de la sienne propre, on pourrait dire que c’est accomplir le Bien absolu. « Qui sauve une vie, sauve l’humanité toute entière » dit la tradition juive.
Dans le monde en crise où nous vivons, où la tentation du repli sur soi et de la haine de l’autre ne sont jamais très loin, il est bon de se remémorer l’action des Justes. Il est bon de raconter à nos jeunes l’histoire d’Eléonore et de François GIRIBONE, qui ont agi en héros.
A côté des nombreux chefs d’oeuvre de la littérature et du cinéma qui relatent la terrible période de l’Occupation, j’avais à l’esprit, en venant ici ce matin, une scène de film, un film plus léger, réalisé par Danièle Thompson et qui s’appelle la Bûche.
Claude Rich y joue le rôle d’un grand-père qui fut un enfant juif sauvé par une famille qui lui permit de franchir avec sa famille, la frontière suisse.
C’est la veille de Noël, de nos jours, et le grand père se souvient du soir de Noël où, quelques heures avant de passer de l’autre côté de la frontière pour être sauvé, l’enfant qu’il est alors reçoit de la famille de Justes qui le cache un petit cheval de bois. Le grand père n’a vraisemblablement pas souvent parlé de cette période ni même de ses origines juives à ses enfants et petits-enfants. Il tient dans ses mains ce cheval de bois usé qu’il a conservé, et ne trouve pas les mots pour dire à sa fille comment transmettre à son petit-fils ce petit cheval, et cette mémoire. Finalement il dit : « Dis-lui seulement que si tous les salauds avaient gagné, il ne serait pas là aujourd’hui ».
Et bien, aujourd’hui, nous honorons la mémoire d’Eléonore et François GIRIBONE qui ont permis à des générations d’exister, à ces deux familles d’être mêlées dans l’assistance aujourd’hui, et aux valeurs humanistes d’être portées au plus profond de la Nuit.
Honneur à eux!
Honneur aux Justes de France!