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A NICE, LE RETOUR DE LA TENTATION FEODALE

Tribune parue ce matin dans les pages Rebonds du quotidien Libération.

par Ladislas POLSKI, secrétaire national du MRC, conseiller régional PACA

Cent cinquante ans après le rattachement du comté de Nice à la France, et moins de quatre mois après le vote de la loi de réforme des collectivités territoriales, Christian Estrosi n’aura pas tardé. Le maire de Nice, président de la Communauté urbaine Nice-Côte d’Azur, convoquait il y a quelques jours son assemblée communautaire afin qu’elle valide le principe de la création d’une Métropole Nice-Côte d’Azur. Vont fusionner la Communauté urbaine Nice-Côte d’Azur et trois communautés de communes, qui s’étendent essentiellement sur les vallées et sommets du massif alpin du Mercantour.

Les métropoles prévues par la loi phagocyteront les compétences des communes, du département, de la région, et même certaines attributions de l’Etat, débarrassant de presque toute tutelle les nouveaux grands féodaux à leur tête, et faisant planer une menace réelle sur l’unité et l’indivisibilité de la République.

Ce n’est donc pas tout-à-fait un hasard si Nice est la première communauté urbaine à prétendre au titre de métropole : dans le département des Alpes-Maritimes, la culture de la féodalité qui imprègne particulièrement la droite locale est indissociable de la vieille tentation du séparatisme nissart, à laquelle Christian Estrosi semble céder chaque jour davantage, comme le montrent, par exemple, ses récentes déclarations au sujet de la ligne de train à grande vitesse, tant attendue par les « Azuréens », et que le maire de Nice souhaite désormais voir développée prioritairement vers Gênes, plutôt que vers Paris via Marseille.

Cette ambition métropolitaine, à la fois puérile et mégalomaniaque, débouche actuellement sur des contours incohérents pour le territoire de la future « métropole » niçoise. Car si une cohérence existe sur la Côte d’Azur, c’est celle de la bande littorale, et de ses contreforts immédiats : de Cannes à Menton, l’urbanisation est presque continue et crée un destin commun.

Mais le maire de Nice sait qu’il aura du mal à convaincre les communautés d’agglomération de l’ouest du département de se rallier à son panache blanc ; alors, il crée une métropole dont les contours englobent des stations de ski et des villages de montagne, mais pas la première technopôle d’Europe, Sophia Antipolis, pas plus que Cannes, Grasse ou Antibes…

Cette métropole loufoque risque de desservir considérablement la plupart des communes concernées. Car, alors que la loi Chevènement sur la coopération intercommunale était une loi de solidarité entre les territoires, destinée à faire bénéficier les citoyens d’une même intercommunalité, des mêmes équipements et services, l’extension du « Grand Nice » n’est envisagée que comme un outil de développement de la ville aux dépens de ses voisines : la plupart des communes périphériques, dont les maires se trouvent relégués au rang de vassaux, sont condamnées à accueillir sur leur sol les équipements dont la voisine niçoise ne veut pas sur le sien.

Ainsi se creusent bien entendu les inégalités socio-territoriales, entre des centres-villes favorisés et des périphéries délaissées.

Féodale et inégalitaire, telle est la métropole Nice Côte d’Azur qui se profile.