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DU COMTÉ A LA METROPOLE

Mercredi soir, j’ai participé, avec d’assez nombreux élus et militants, au rassemblement devant le CUM à l’intérieur duquel se réunissait le Conseil communautaire de Nice Côte d’Azur. Le Président de cette assemblée, Christian Estrosi, l’avait en effet convoquée pour qu’elle valide le principe de la création d’une Métropole, par fusion de la Communauté urbaine Nice-Côte d’Azur avec trois autres établissements publics de coopération intercommunale appelés aussi à se prononcer : la Communauté de communes Vésubie-Mercantour, celle des stations du Mercantour et celle de La Tinée. A cet ensemble doit aussi être rattachée la commune de la Tour-sur-Tinée actuellement isolée.

Etrange métropole qu’un territoire où l’on trouve des lacs de montagne et des neiges éternelles et où, comme le disait Patrick Allemand, les chamois côtoieront les gobies.

Christian Estrosi s’est précipité pour utiliser la loi de réforme territoriale du 16 décembre 2010, et pas seulement en vue de postuler comme à son habitude au poste de meilleur élève du sarkozysme.

L’ardeur avec laquelle le maire de Nice bataille pour créer la métropole Nice Côte d’Azur renvoie bien sûr à sa soif inextinguible de pouvoir, qui le conduit jusqu’à l’ivresse. Les métropoles prévues par la loi phagocyteront en effet les compétences des communes, du département, de la région, et même certaines attributions de l’Etat. A la tête de la métropole Nice côte d’Azur, Christian Estrosi se verra magistralement conforter comme grand féodal, débarrassé sur son territoire de presque toute tutelle.

Cette culture de la féodalité, dont la droite dans notre département est particulièrement imprégnée, est indissociable de la vieille tentation du séparatisme nissart, à laquelle Christian Estrosi semble céder chaque jour davantage, comme le montrent, par exemple, ses récentes déclarations au sujet de la ligne de train à grande vitesse, qu’il souhaiterait voir développée prioritairement vers Gênes, plutôt que vers Marseille et Paris.

Cette ambition métropolitaine, à la fois puérile et mégalomaniaque, débouche actuellement sur des contours incohérents pour le territoire de la future « métropole » niçoise. Car si une cohérence métropolitaine existe dans les Alpes-Maritimes, c’est celle de la bande littorale, et de ses contreforts immédiats : de Cannes à Menton, l’urbanisation est presque continue : ce territoire partage de fait un destin commun.

Mais Christian Estrosi sait qu’il aura du mal à convaincre les communautés d’agglomération de l’ouest du département de se rallier à son panache blanc ; alors, il crée une métropole dont les contours englobent des stations de ski et des villages de montagne, mais pas la première technopôle d’Europe, Sophia Antipolis, ni même la totalité des communes concernées par l’Opération d’Intérêt National d’aménagement de la Plaine du Var…

Cette métropole loufoque risque de desservir considérablement la plupart des communes concernées. Car, alors que la loi Chevènement sur la coopération intercommunale était une loi de solidarité entre les territoires, destinée à faire bénéficier les citoyens de l’intercommunalité, des mêmes équipements et services, Christian Estrosi ne voit l’extension du Grand Nice que comme un outil de développement de sa ville aux dépens des autres.

La commune de La Trinité, où je suis élu, continue de faire les frais de cette logique. Ainsi l’arrivée du tramway, pourtant prévue de longue date, y a-t-elle été renvoyée aux calendes grecques, au même moment où la commune acceptait la transformation de la Communauté d’Agglomération en Communauté Urbaine. Aujourd’hui, La Trinité vient d’accueillir généreusement la plus grande déchetterie du territoire communautaire. Et l’un des principaux terrains aménageables de la commune, sur lequel était envisagée l’implantation d’une maison de retraite (EHPAD), va sans doute être le lieu d’installation d’un nouveau centre de « valorisation des déchets ». Comme La Trinité, la plupart des communes périphériques, dont les maires seront des vassaux du seigneur Estrosi, sont condamnées à accueillir sur leur sol les équipements dont la voisine niçoise ne veut pas sur le sien.

Ainsi se creusent bien entendu les inégalités socio-territoriales, entre des centres-villes favorisés et des périphéries délaissées, comme entre les citoyens qui habitent respectivement ces territoires.

Féodale et inégalitaire, la métropole Nice Côte d’Azur qui se profile va voir le jour sous des auspices profondément anti-républicains : il faut l’expliquer à nos concitoyens, souvent légitimement trop absorbés par les problèmes quotidiens de l’emploi et du pouvoir d’achat pour se sentir concernés par ces enjeux territoriaux.