école auber

JEAN-PIERRE, ARNAUD, L’ECOLE AUBER ET PEPINETTE

Le dix mai 1981, je n’avais que cinq ans, mais je me souviens très précisément des sauts de joie de ma mère devant la télévision lorsqu’apparut sur l’écran le visage du vainqueur, François Mitterrand. Mes parents partirent avec des amis célébrer la victoire sur l’avenue Jean Médecin à Nice, et moi je restai, avec mon frère, dans l’appartement de ma grand-mère, rue de la Buffa.
Le lendemain matin, j’arrivai à l’école maternelle Auber avec une rose rouge glissée par ma mère à la boutonnière de mon blouson en jean. Cet affichage des convictions politiques parentales au sein de l’école de la République ne fut pas du goût de l’institutrice, Madame Lambert, et, trente ans après, avec mes yeux d’adulte, je ne l’approuve pas non plus, mais je me souviens avec une précision étonnante de ma fierté d’enfant, et de l’odeur de la rose dans la douceur du moi de mai.

Hier, je suis entré à nouveau dans cette école Auber, redécouvrant avec plaisir la cour et le préau de l’école de mon enfance, qui fut aussi celle de mes parents. J’accompagnais des proches qui tenaient beaucoup à voter pour les « primaires citoyennes », mais je restai dans la cour avec mes enfants et profitai avec eux des toboggans et des cabanes qui n’existaient pas à mon époque, trente ans plus tôt.

Mai 1981 n’a pas tenu toutes ses promesses, et la « parenthèse libérale » ouverte en 1983 ne s’est jamais refermée.
Au programme socialiste de 1981 rédigé par Jean-Pierre Chevènement comme l’avait été après le congrès d’Epinay le programme commun « changer la vie », François Mitterrand a substitué le pari européen dont on voit aujourd’hui qu’il n’a pas été gagné.
Dérégulation économique, libre-échange triomphant, politique de l’euro fort, renoncements de souveraineté n’ont fait qu’aggraver la désindustrialisation et ses corollaires :chômage, effritement de la protection sociale, déclin de la solidarité nationale.

Trente ans après, la crise européenne et mondiale démontre que nous sommes arrivés au bout de ce cycle.
A l’approche de l’élection présidentielle de 2012, la gauche doit se livrer à une analyse critique des dogmes pris à son compte par le parti socialiste à partir de 1983.
Après avoir développé cette analyse dans « la France est-elle finie? » (Fayard, Prix du livre politique 2011), Jean Pierre Chevènement publie un livre-programme, « sortir la France de l’impasse », qui donne les pistes d’un indispensable sursaut.

Quittant l’école Auber et ce pèlerinage nostalgique, je retournai à la Trinité, dont le maire est le seul du département des Alpes-Maritimes à avoir catégoriquement refusé de prêter ou louer une salle municipale pour la tenue des primaires, contraignant les organisateurs à se replier dans un restaurant, « chez Pépinette », dont le nom à consonance bien méridionale avait séduit les télévisions nationales qui s’y sont pressées. Amusant pied de nez au maire, comme l’affluence, que j’ai pu constater, des Trinitaires chez Pépinette…

Le soir, l’annonce des résultats confirmait le bon score d’Arnaud Montebourg, qu’on pouvait pressentir dans les semaines précédentes. Intéressant de constater que c’est à celui qui a le plus souhaité ces primaires qu’elles profitent le plus, et qu’elles ont permis de développer certaines thèses dont il n’hésite pas à revendiquer la filiation avec celles que porte Jean-Pierre Chevènement.

Reste que l’élimination d’Arnaud Montebourg pour le second tour risque de ne pas lui permettre d’infléchir suffisamment les positions d’un parti socialiste jusqu’ici beaucoup trop timoré devant le système économique financiarisé et mondialisé.
Mais qui sait?

Quant à nous, autour de Jean-Pierre Chevènement, nous comptons bien contribuer à faire bouger les lignes. « Sortir la France de l’impasse », le livre-programme en librairies depuis le 6 octobre, se termine ainsi : « Y a-t-il d’autres moyens, les institutions de la Ve République étant ce qu’elles sont, que de se porter candidat ? ».

Assurément, les jours et les semaines qui viennent seront déterminants pour l’avenir de la gauche et de la France.