LE DEBAT BIOETHIQUE EN FRANCE NE DOIT PAS ETRE UNE AFFAIRE D’EXPERTS

Tribune parue dans Marianne le 21 février 2005

 

Par Ladislas Polski

Délégué National à la Santé du Mouvement Républicain et Citoyen

 

L’annonce faite par l’instance de régulation de la bioéthique britannique d’autoriser pour la seconde fois une équipe de scientifiques à pratiquer le clonage d’un embryon humain à visée thérapeutique invite à se poser la question de l’état actuel du débat bioéthique en France.

La vérité est qu’il est une affaire d’experts.

Pourtant, ces questions touchent aux enjeux les plus intimes de la personne humaine et sont chaque jour davantage d’actualité.

Parmi nos voisins européens, certains semblent l’avoir compris : en Italie par exemple, un référendum sera organisé au printemps en vue de modifier la loi sur la Procréation Médicalement Assistée.

En France, les  nouvelles lois de bioéthique adoptées en juillet 2004 n’ont quasiment pas suscité de débat public.

Elles statuaient pourtant sur un sujet épineux en interdisant le clonage thérapeutique, en dehors de circonstances dérogatoires et sur des embryons surnuméraires.

A l’ONU, le débat sur la perspective du clonage thérapeutique fait rage : le Costa Rica, soutenu par le Vatican et les Etats-Unis, propose de l’interdire au plan international.

La Belgique, le Royaume-Uni et d’autres souhaitent n’interdire que le clonage reproductif et laisser à l’appréciation de chaque pays l’autorisation du clonage thérapeutique.

La France soutient cette position. Cependant, contrairement à la Grande-Bretagne, elle a interdit le clonage thérapeutique en se dotant de la loi du 8 juillet 2004.

On a pu se demander si les choix des artisans de cette loi « prudente »n’étaient inspirés que par l’esprit républicain de laïcité.

Dès lors, il convient de s’interroger sur l’esprit qui doit inspirer le législateur lorsqu’il s’intéresse à la bioéthique.

La position communément admise chez ceux qui se penchent sur ces problèmes est d’adopter une éthique de responsabilité, qui met en balance les convictions sans se référer à un principe supérieur.

C’est le compromis choisi par le Comité Consultatif National d’Ethique lorsqu’il définit le statut d’un embryon humain en parlant d’« être humain en devenir », respectant ainsi les susceptibilités des différentes familles philosophiques et spirituelles.

Cependant, le risque d’une telle approche est la difficulté de trancher entre les différentes éthiques de conviction.

Ainsi, si on se souvient que l’Eglise catholique est toujours opposée à la Procréation Médicalement Assistée, on constate que le législateur doit parfois contrarier les tenants d’une éthique de conviction d’inspiration religieuse.

De la même façon, les opposants à l’IVG toujours actifs nous rappellent le danger qui existe à considérer l’embryon comme un être humain.

Aussi, jusqu’à présent, la loi française, en privilégiant une attitude pragmatique face à la détresse des situations individuelles, s’est finalement orientée vers une éthique de conviction humaniste, rationnelle et laïque.

Pour le sujet précis du clonage, il convient de rappeler que si la volonté de criminalisation du clonage à des fins de reproduction fait l’unanimité, il n’en est pas de même du clonage thérapeutique qui offre des espoirs de traitement pour de nombreuses maladies, notamment neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer.

L’Académie de Médecine et l’Académie des Sciences ne s’y sont pas trompées, puisqu’elles ont préconisé le clonage thérapeutique au moment où les lois d’interdiction étaient votées.

Dans un discours du 5 octobre 2004, le ministre de la santé actuel, Philippe Douste-Blazy, a cependant évoqué l’éventualité d’autoriser à terme la création d’embryons à des fins de recherche.

C’est dire s’il est difficile pour les gouvernants de prendre position sur ces questions.

Une partie de la solution réside sans doute dans la prise de conscience par les citoyens de l’importance des enjeux de bioéthique.

Une opinion publique bien informée pourrait faciliter la tâche du législateur qui se trouve contraint de trancher entre des éthiques de conviction souvent radicalement opposées.

Un débat public dans ce domaine permettra à coup sûr l’évolution nécessaire vers moins de crispation et favorisera une éthique de responsabilité dépassionnée tournée vers les progrès de la science au service de l’homme.

Pour notre part, nous pensons qu’il est grand temps d’encourager en France la recherche sur les cellules souches et le clonage thérapeutique qui constituent de grands espoirs pour la connaissance et le traitement de nombreuses maladies.