UN RAPPORT SUR LA MEDECINE DE PROXIMITE QUI SE FAIT ATTENDRE

Tribune publiée sur LeMonde.fr, 23 novembre 2010.

Ladislas POLSKI

médecin secrétaire national à la santé du MRC

Conseiller régional PACA délégué aux Maisons Régionales de Santé

Commandé par le président de la République pour la fin du mois de septembre, le rapport d’Elisabeth Hubert sur la médecine de proximité se fait attendre. Souhaitons que le remaniement ministériel qui vient d’intervenir ne renvoie pas aux oubliettes ses conclusions, avant même qu’elles n’aient été publiées.

La mission était ardue : en demandant à Mme Hubert, en mai dernier, de plancher sur la médecine de proximité, Nicolas Sarkozy lui confiait un sujet brûlant et lui laissait habilement le soin de faire des propositions sur des sujets qui fâchent, notamment la « répartition géographique de l’offre de soins de proximité », et le « développement de modes de rémunération plus adaptés à l’évolution du métier de médecin généraliste ».

M. Sarkozy voulait-il signifier à Mme Hubert qu’elle avait la charge de remettre en cause les deux principes sacro-saints de la médecine libérale française que sont la liberté d’installation et le paiement à l’acte ? A en croire les déclarations faites par l’intéressée ces dernières semaines, il semble que cette ancienne ministre « Juppette » se soit saisi de sa mission avec détermination.

Mais, dans le contexte de mouvement social d’envergure, et au lendemain d’élections professionnelles qui ont agité le corps médical, peut-être n’est-il pas prudent pour la droite d’inquiéter l’électorat naturel que sont à ses yeux les médecins. Fugacement pressentie pour assumer les fonctions de ministre de la santé, Elisabeth Hubert devrait donc présenter ses conclusions à un président de la République qui a choisi de confier le ministère de la santé à Xavier Bertrand chargé aussi (et avant tout ?) de l’emploi et du travail.

En attendant, il est plus que temps de réfléchir avec audace aux moyens de rationnaliser l’offre de soins ambulatoires sur le territoire national, et de trouver une alternative au paiement à l’acte des professionnels de santé libéraux. Les maisons de santé pluridisciplinaires, que le président de la République a appelées de ses vœux, peuvent être des lieux propices pour des expérimentations ambitieuses dans ces domaines. Mais, jusqu’ici, une volonté politique nationale a manqué pour encourager dans ces maisons autre chose qu’un simple regroupement peu concerté de professionnels libéraux rémunérés à l’acte.

S’ATTAQUER AUX INÉGALITÉS D’ACCÈS AUX SOINS

Outre le regroupement pluridisciplinaire de professionnels de santé, il conviendrait de développer dans de telles structures trois axes prioritaires.

En premier lieu, il est nécessaire d’y intégrer des actions de prévention, d’éducation thérapeutique et, plus largement, des activités d’ordre médico-socio-psychologique, en lien avec les services publics existants.

Par ailleurs, il est impératif de faire de telles « maisons » des terrains de stage accueillant les professionnels en formation : c’est une condition indispensable pour rendre ces structures, implantées en zones déficitaires en offre de soins, attractives pour de jeunes professionnels.

Enfin, il est indispensable d’y expérimenter des pratiques de rémunération vraiment alternatives au paiement à l’acte. Dans ces conditions, les enveloppes forfaitaires attribuées par l’Assurance-Maladie devraient aller au-delà d’un simple appoint de la rémunération à l’acte, et pourraient avoir vocation à se substituer à celle-ci, sans pour autant être moins attractives pour les professionnels que ce mode de paiement, dont Elisabeth Hubert a dit elle-même qu’il est « à bout de souffle ».

Il est peu probable cependant que le gouvernement et le président acceptent de suivre Mme Hubert si elle faisait de telles recommandations.

Pourtant, à l’heure où les projections sur le nombre et la répartition des médecins « de proximité » en exercice dans les années qui viennent sont des plus alarmants, et au vu d’une étude récente montrant qu’un Français sur quatre renonce aux soins pour des raisons financières, il convient de s’attaquer de front aux inégalités géographiques et sociales d’accès aux soins, qui sont une blessure pour notre pacte républicain.